La Côte de Nuits : à la rencontre des villages mythiques du grand Pinot Noir

L’ADN de la Côte de Nuits : terroirs, histoire et cépage

Avant de partir à la découverte des perles de la Côte de Nuits, il faut comprendre ce qui soude ces villages. Ce n’est pas seulement l’amour du Pinot Noir, cépage exigeant mais poète, ni la monoculture franche (ici, le rouge règne sans presque aucun rival). La Côte de Nuits, c’est aussi :

• Une diversité géologique prodigieuse : marnes, calcaires, cailloutis, parfois argiles rouges. Les combinaisons sont infinies, sculptant chaque cru à sa façon.
• Une histoire millénaire : l’activité viticole y est attestée depuis le Ier siècle, les moines de Cîteaux ayant agencé certains clos dès le XIe siècle (source : BIVB, « La Bourgogne, grandeur nature »).
• Un microclimat tempéré et venté, propice à la maturité lente et homogène des raisins.

Sur les 4 500 hectares de la Côte de Nuits, plus de 70% sont classés en Premiers Crus ou Grands Crus : un record, gage d’un patrimoine unique au monde (source : INAO).

Gevrey-Chambertin : la puissance, la noblesse et neuf Grands Crus

Premier des grands villages après Dijon, Gevrey-Chambertin est sans doute l’un des noms les plus célèbres du vin, partout sur la planète. Difficile de croire que ce village de 3 000 habitants cache à lui seul neuf Grands Crus, dont le légendaire Chambertin, fidèle favori de Napoléon Bonaparte.

• Superficie : 410 ha (dont 87 ha en Grands Crus, une proportion exceptionnelle).
• Grands Crus : Chambertin, Chambertin-Clos de Bèze, Charmes-Chambertin, Mazis-Chambertin, Mazoyères-Chambertin, Griotte-Chambertin, Chapelle-Chambertin, Latricières-Chambertin, Ruchottes-Chambertin.
• Profil des vins : Robustes et structurés dans la jeunesse, ils gagnent une complexité aromatique remarquable : cerise noire, réglisse, truffe, parfois une note sauvage de gibier.
• Anecdote : Le Chambertin était le seul vin accepté à la table de Napoléon, qui l'emportait même en campagne militaire, coupé d'eau ! (source : BIVB).

Morey-Saint-Denis : Le lien, la finesse et une rare harmonie

Souvent considéré comme une transition naturelle entre Gevrey et Chambolle, Morey-Saint-Denis gagne chaque année en notoriété. On le dit timide, mais la sélection de Grands Crus parle pour lui :

• Grands Crus : Clos de la Roche, Clos Saint-Denis, Clos des Lambrays, Clos de Tart, Bonnes-Mares (partagé avec Chambolle-Musigny).
• Profil des vins : Structure tannique solide héritée de Gevrey, mais le raffinement et le bouquet floral de Chambolle. Des vins jugés « complets » par de nombreux experts (source : Jasper Morris MW, “Inside Burgundy”).
• A noter : Ici, la culture parcellaire prend tout son sens : à seulement quelques mètres de distance, le sol peut passer du calcaire dur au substrat plus marneux, changeant complètement la typicité du vin.

Chambolle-Musigny : La dentelle et la grâce

Si la Côte de Nuits avait son poète, ce serait sans doute Chambolle-Musigny. Moins étendu que Gevrey ou Vosne, mais mythique par la brillance de ses vins :

• Surface : 152 ha, dont 24 ha de Premiers Crus et 25 ha de Grands Crus.
• Grands Crus : Bonnes-Mares (partagé), et surtout le célébrissime Musigny : à peine plus de 10 hectares, source de certains des vins les plus chers au monde.
• Profil des vins : Toucher de bouche caressant, arômes de violette, de rose, de framboise : la quintessence du Pinot Noir soyeux.
• Anecdote : Le Musigny blanc, rareté (seulement 0,66 ha plantés en Chardonnay), est l’un des plus grands blancs de Bourgogne — et du monde, selon les palmarès internationaux (source : Decanter).

Vougeot : l’écrin du fameux Clos

Vougeot serait presque un village miniature… et pourtant, il possède l’un des plus grands et mythiques clos de Bourgogne : le Clos de Vougeot, 50 hectares ceints de murs, découpé entre plus de 80 propriétaires.

• Singularité : Un unique Grand Cru, Clos de Vougeot, parmi les premiers “clos” historiques instaurés par les moines de Cîteaux dès 1110.
• Profil des vins : Le Clos produit aussi bien des vins puissants et charpentés (en bas de coteau), que des expressions très élégantes (en haut du clos, sur la pierre). Tout dépend de la parcelle d’origine et du vigneron.
• Événement marquant : Le château du Clos de Vougeot, siège des Chevaliers du Tastevin, attire chaque année des milliers de visiteurs, notamment lors du fameux “chapitre”.

Vosne-Romanée : le cœur battant du mythe bourguignon

Certains amateurs murmurent “Vosne-Romanée” à voix basse, comme une prière. Pas un autre village en Bourgogne — ni au monde — n’abrite une telle concentration de Grands Crus et de domaines cultes.

• Surface : 150 ha, mais 8 Grands Crus sur seulement 27 hectares cumulés.
• Grands Crus : Romanée-Conti, La Romanée, La Tâche, Richebourg, Romanée-Saint-Vivant, La Grande Rue, Echézeaux, Grands-Echézeaux.
• Profil des vins : Richesse, sensualité, intensité aromatique rare — fruits noirs, épices orientales, violette, rose séchée, parfois une touche de truffe ou de sous-bois.
• Fait marquant : Le domaine de la Romanée-Conti livre les bouteilles les plus recherchées (et chères !) du monde : en 2018, un flacon de 1945 s’est envolé à 482 000 dollars aux enchères chez Sotheby’s (source : Wine Searcher).

Nuits-Saint-Georges : la force tranquille et le carrefour de la Côte

Si un village incarne « l’âme » de la Côte de Nuits dans sa version terrienne et travailleuse, c’est bien Nuits-Saint-Georges. Fer de lance du négoce historique, il ne possède pas de Grands Crus, mais certains premiers crus, tels Les Saint-Georges, pourraient le devenir dans les prochaines années.

• Superficie : 310 ha (153 ha de Premiers Crus).
• Profil des vins : Charpenté, robuste, doté d’une matière dense et souvent apte à un long vieillissement. Notes de cassis et de fruits compotés très marquées.
• Histoire : La ville donna son nom en 1892 à toute la Côte de Nuits, “baptisant” ainsi la région au fil du XIXe siècle (source : BIVB).

Autres villages à ne pas négliger

• Fixin : Prisé pour ses rouges francs et rustiques, mais capable de finesse — certains Premiers Crus comme Les Hervelets sont très recherchés.
• Marsannay : Seul village en Côte de Nuits à produire des rouges, blancs et rosés sur toute l’appellation, et candidat sérieux au classement de ses climats en Premier Cru prochainement.
• Prenois, Brochon, Comblanchien : Moins connus, mais de véritables « réservoirs » de bons rapports qualité-prix, et souvent fournisseurs officiels de maisons réputées.

Quand visiter et comment découvrir ces villages emblématiques ?

• Entre mai et octobre, le vignoble bourgeonne, prend des couleurs, s’anime des vendanges : c’est le moment le plus vivant et sensoriel.
• La « Route des Grands Crus » (60 kilomètres, de Dijon à Santenay) se parcourt à pied, à vélo ou en voiture, ponctuée de caves partenaires et de maisons familiales ouvertes à la dégustation.
• Certains événements, comme le Fascinant Week-End (en octobre) ou la Vente des Vins des Hospices de Beaune (fin novembre), offrent une plongée dans la culture et la fête viticoles.
• L’observation des sols, des murets, des abris de vignerons « cabottes », complète l’expérience et aide à saisir l’esprit unique de chaque lieu.

Pourquoi ces villages sont-ils incontournables dans tout parcours d’amateur ?

Au-delà de la rareté et du rayonnement mondial de leurs crus, ces villages de la Côte de Nuits sont des condensés de l’esprit bourguignon. Chacun d’eux exprime, à sa façon, une idée du vin : robustesse et verticalité à Gevrey, raffinement chez Chambolle, secret à Vosne, classicisme à Nuits… La magie est là : sur quelques hectares, chaque nuance de sol, de climat, de main vigneronne façonne un goût, une émotion, une signature.

Découvrir les villages de la Côte de Nuits, c’est parcourir un musée vivant du Pinot Noir. C’est comprendre comment la géographie et l’histoire s’entrelacent à chaque vendange. Et, pour tout curieux du vin, c’est l’assurance d’un voyage renouvelé à chaque bouteille.

Sources : BIVB (Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne), INAO, Jasper Morris (Inside Burgundy), Decanter, Wine Searcher.