Meursault, Puligny-Montrachet, Chassagne-Montrachet : comprendre la personnalité de ces voisins emblématiques

21/05/2025

Un peu de géographie : la Côte de Beaune, carrefour du chardonnay

Situés dans le sud de la Côte de Beaune, Meursault, Puligny-Montrachet et Chassagne-Montrachet forment un triangle d’or du vin blanc. Pour mieux appréhender leurs différences, il suffit de parcourir quelques kilomètres sur la célèbre D974, où se succèdent les noms inscrits sur les murets des climats : les trois communes sont contiguës, Puligny se trouvant encadrée par Meursault au nord et Chassagne au sud.

  • Meursault : 381 hectares de vignes en appellation village, auxquels s’ajoutent près de 100 hectares de Premiers Crus. Aucun Grand Cru sur la commune, mais des climats légendaires comme Les Perrières, Les Charmes ou Les Genevrières. Source : BIVB (Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne)
  • Puligny-Montrachet : 211 hectares en village, 97 hectares en Premier Cru et surtout la présence de Grands Crus mythiques (Montrachet, Chevalier-Montrachet, Bâtard-Montrachet, Bienvenues-Bâtard-Montrachet et Criots-Bâtard-Montrachet) qui totalisent 21 hectares. Source : BIVB
  • Chassagne-Montrachet : environ 291 hectares en village, 159 hectares en Premier Cru et 19 hectares de Grands Crus, qu’elle partage avec Puligny. Source : BIVB

Au total, une mer de chardonnay s’étend sur ces coteaux orientés sud-est, sur des pentes douces, avec des sols pierreux, argilo-calcaires, mais un détail : chaque village cultive son style, savant mélange de géologie, de microclimats et d’interprétation vigneronne.

Le terroir : secret de la diversité

Des sols nuancés… et capitales

Malgré la proximité, la morphologie et la géologie diffèrent avec subtilité. C’est toute la clé de lecture de leurs vins.

  • Meursault se distingue par ses sols bruns calcaires, parfois argilo-calcaires riches en marnes blanches, essentiellement sur des vestiges du Jurassique. Les meilleures expositions se trouvent entre 260 et 320 mètres d’altitude. Leur composition confère aux vins ampleur, richesse, avec une bouche onctueuse, beurrée, souvent associée à la signature de la commune.
  • Puligny-Montrachet bénéficie d’un sol plus caillouteux, très drainant, sur des couches fines de calcaire à entroques, provoquant des blancs tendus, minéraux et racés. Puligny marque la transition entre la puissance de Meursault et l’élégance droite des terroirs du sud.
  • Chassagne-Montrachet offre une mosaïque complexe : au nord, on retrouve des sols proches de Puligny, mais au sud, la présence d’argiles rouges et de graviers favorise une diversité de style, donnant aussi bien des blancs que des rouges ! C’est l’une des rares grandes appellations blanches de la Côte de Beaune à produire aussi du pinot noir dans des proportions notables (environ 30 % des surfaces du village, source BIVB).

Ces nuances de sol se répercutent dans le verre : là où Meursault privilégie la rondeur, Puligny incarne la droiture et l’élégance, tandis que Chassagne joue sur une palette plus large, du minéral au voluptueux.

Climats et crus : la cartographie de l’excellence

Les “climats” font la grandeur de la Bourgogne : chaque parcelle, parfois de quelques rangs seulement, possède sa propre identité. Les trois villages bénéficient d’un maillage précis de Premiers et Grands Crus, mais la hiérarchie n’est pas identique.

  • Meursault : pas de Grand Cru, mais des Premiers Crus aussi réputés que certains Grands Crus voisins ! Les Perrières sont souvent cités pour leur finesse et leur potentiel de garde, quand Les Charmes enchante par son volume et son fruité.
  • Puligny-Montrachet : c’est ici que l’on trouve le sacro-saint climat Le Montrachet, que Puligny partage avec Chassagne (le Grand Cru totalise environ huit hectares dont la moitié dans chaque village). On dit souvent que Puligny donne au Montrachet sa tension, sa minéralité, tandis que Chassagne apporte davantage de chair. Par ailleurs, les climats Chevalier-Montrachet et Bâtard-Montrachet, tout aussi fabuleux, voisinent avec les Premiers Crus d’exception comme Les Pucelles, Les Folatières, Les Caillerets…
  • Chassagne-Montrachet : le versant sud accueille Criots-Bâtard-Montrachet (2 ha), mais la véritable richesse réside dans la diversité des Premiers Crus, répartis sur des sols variés : Caillerets (l’un des plus élégants), La Romanée, Les Macherelles… Certains sont à flanc de coteau, d’autres à mi-pente, ce qui influe sur la maturité et la garde.

Pour mieux comprendre l’explosion des prix sur ces crus, sachez qu’un seul hectare de Montrachet peut se vendre entre 25 et 30 millions d’euros (Source : Le Figaro Vin, 2023).

Le style des vins : signatures et nuances

Meursault : l’éloge de la richesse

Meursault, sans doute le plus “gourmand” des trois, est souvent associé à des notes de noisette, d’amande fraîche et de beurre frais, surtout après quelques années de cave. Les élevages en fût y sont parfois plus marqués, ce qui explique ces arômes de brioche, de toast ou de miel. La bouche est ample, généreuse, avec une finale qui garde une fraîcheur salivante.

  • Accords : Meursault accompagne merveilleusement les poissons nobles, crustacés, mais aussi les volailles en sauce ou les fromages à pâte pressée cuite. Son aura gastronomique est indéniable.
  • Anecdote : De nombreux festivals lui sont dédiés, dont l’incontournable « Paulée de Meursault », où amateurs et vignerons partagent des bouteilles lors d’un immense banquet.

Puligny-Montrachet : la pureté cristalline

Puligny, c’est l’incarnation de la droiture bourguignonne. Sa robe pâle précède un nez d’une grande complexité : fleurs blanches (acacia, aubépine), agrumes, amandes, parfois une pointe de silex. En bouche, la tension minérale domine, portée par une acidité élégante et une longueur exceptionnelle. Cette pureté n’a d’égal que la longévité des meilleurs crus, rivalisant avec les grands vins de la planète.

  • Accords : Idéal sur des fruits de mer raffinés, homard, langouste, mais aussi des plats de haute gastronomie comme un turbot rôti ou des Saint-Jacques crues.
  • Chiffre : Le prix moyen d’un Puligny-Montrachet Grand Cru en 2023 avoisine les 650 € la bouteille (source : Idealwine).

Chassagne-Montrachet : la complexité plurielle

Chassagne intrigue par sa diversité : ses blancs oscillent entre la puissance et la finesse, selon le lieu-dit et le millésime. Arômes d’agrumes mûrs, de fleurs jaunes, d’épices douces, parfois une touche fumée. Les plus grands climats évoquent la densité du Montrachet, mais certains Premiers Crus, plus au sud, tendent vers la fraîcheur et la finesse.

  • Accords : Chassagne blanc s’invite aussi bien sur une cuisine de la mer que sur une poularde aux morilles. Quant à ses rouges (pinot noir), ils offrent un visage fruité, tendre et charmeur, à redécouvrir absolument.
  • Anecdote : Le nom "Montrachet" viendrait du vieux français « mont rachat », désignant une colline pelée, dénudée de végétation.

La dégustation comparative : l’expérience du verre à la table

Chaque dégustation verticale de climats Meursault, Puligny et Chassagne est un fascinant exercice de style. Pour les amateurs, placer trois villages à l’aveugle révèle la magie bourguignonne : un Meursault se démarque par son soyeux, sa profondeur ; Puligny séduit par sa découpe, sa tension saline ; Chassagne surprend par sa complexité et sa palette aromatique.

Exercice instructif : lors d’une dégustation organisée à la cave de Meursault par la Maison Bouchard Père & Fils en 2021, la cuvée « Genevrières » (Meursault Premier Cru) s’opposait à un Chassagne « Caillerets » et un Puligny « Folatières ». Les participants étaient bluffés par les contrastes : attaque frontale, puis élargissement en bouche pour Meursault ; verticalité minérale à Puligny ; rondeur et épices chez Chassagne.

Quelques chiffres révélateurs

  • Production annuelle :
    • Meursault : environ 2,2 millions de bouteilles par an (source : BIVB)
    • Puligny-Montrachet : environ 900 000 bouteilles/an
    • Chassagne-Montrachet : environ 1,4 million de bouteilles/an, dont 30 % en rouge
  • Plage de prix (moyenne village 2023, hors crus) :
    • Meursault : 50 à 120 €
    • Puligny-Montrachet : 70 à 150 €
    • Chassagne-Montrachet : 50 à 100 € (blanc), 30 à 60 € (rouge)
    • Sources : Idealwine, Wine Decider
  • Cépage :
    • Chardonnay ultra dominant partout en blanc (plus de 99 %)
    • Pinot noir présent principalement à Chassagne-Montrachet (presque un tiers de la production du village)

Portraits de vignerons emblématiques

  • Meursault : Coche-Dury, Comtes Lafon, Arnaud Ente … ces noms incarnent l’excellence, avec des rendements serrés et une vision parcellaire presque obsessive.
  • Puligny-Montrachet : Domaine Leflaive, Jacques Carillon… méthodes biodynamiques pionnières, recherche de la pureté maximale du terroir.
  • Chassagne-Montrachet : Vincent Dancer, Ramonet, Morey-Coffinet… là aussi, sélection massale et recherche de l’identité propre à chaque lieu-dit.

Explorer, comparer, s’émerveiller…

Au cœur des trois villages bat l’esprit de la Bourgogne : une mosaïque de terroirs, d’inflexions humaines, de traditions revisitées. La beauté du chardonnay y atteint des sommets, entre puissance, minéralité et complexité. Découvrir Meursault, Puligny-Montrachet et Chassagne-Montrachet, c’est d’abord s’offrir un voyage — il n’y a pas une vérité, mais une multitude d’accords possibles selon la sensibilité de chacun. L’idéal ? Déguster, s’écouter, et laisser parler la magie des terroirs.

Pour aller plus loin, les sites Bourgogne Wines, Vins-Bourgogne.fr et les ouvrages d’Aubert de Villaine ou Jasper Morris offrent des lectures passionnantes sur la cartographie et les secrets des climats.

La Bourgogne ne s’explique pas, elle se goûte, se compare, et s’apprend, une parcelle après l’autre…

En savoir plus à ce sujet :

Votre guide des vins de Bourgogne, de la vigne au verre