Savigny-lès-Beaune rouge : Nouvelle star discrète de la Côte de Beaune ?

27/05/2025

Quand la discrétion devient attrait : Pourquoi parler du Savigny-lès-Beaune aujourd’hui ?

Loin du clinquant de ses voisins illustres, comme Pommard ou Volnay, le Savigny-lès-Beaune rouge s’est longtemps fait discret sur la scène des grands vins de Bourgogne. Pourtant, dans la confidence d’une cave ou à l’occasion d’une dégustation, cette appellation se révèle captivante : un Pinot Noir vibrant, souvent d’un excellent rapport qualité-prix, porté par une nouvelle génération de vignerons aussi pointus qu’enthousiastes. Le moment était donc venu d’éclairer le projecteur sur ce cru qui séduit de plus en plus les amateurs exigeants comme les curieux prêts à s’aventurer au-delà des grandes étiquettes.

Savigny-lès-Beaune rouge : carte d'identité d'une appellation singulière

  • AOC instituée : 1937
  • Surface en rouge : Environ 297 hectares (on compte plus de 350 ha au total avec le blanc – source BIVB 2023)
  • Sols : Marne, calcaires, graviers ; grande diversité en fonction des lieux-dits
  • Cépage : Pinot Noir à 100%
  • Nombre de Premiers Crus : 22, dont le fameux Les Lavières, Les Serpentières, Les Peuillets...

Les vignes de Savigny-lès-Beaune s’étendent sur un amphithéâtre naturel entre la montagne de Corton et la rivière Rhoin, à la sortie nord de Beaune. Cette géographie crée un terroir morcelé et incroyablement varié, où l’altitude, l’exposition (souvent nord-est ou sud-ouest) et la petitesse des parcelles offrent une palette d’expressions unique, des cuvées pleines de fruit jusque dans les climats les plus subtils et structurés.

Profil du Savigny-lès-Beaune rouge aujourd’hui

  • Robe : Ruby éclatant, parfois tirant vers le grenat selon le millésime et l’âge
  • Nez : Fruits rouges frais (framboise, cerise, groseille), touches florales (violette, pivoine), épices douces, sous-bois avec l’évolution
  • Bouche : Souplesse et vivacité, tanins fins, finale fraîche et sapide

Longtemps perçu comme plus léger que ses voisins, le Savigny-lès-Beaune a vu son style évoluer. Les rouges modernes conjuguent élégance et profondeur, avec une vraie énergie et une mâche qui n’ont rien à envier à certains Pommard. Bien entendu, on trouve encore une belle diversité de profils : des vins gourmands et accessibles dans la jeunesse, d’autres plus corsés et bâtis pour la garde.

À noter : la vendange entière est désormais plus fréquemment utilisée chez certains domaines phares (Chandon de Briailles, Tollot-Beaut…), ce qui apporte une dimension aromatique supplémentaire et une structuration plus classique bourguignonne ; une tendance qui correspond aussi à l’ouverture sur le marché international, où la fraîcheur et le caractère floral du Pinot Noir de Bourgogne séduisent sans jamais tomber dans l’extraction outrancière.

Quelques données factuelles et chiffres clés

  • En 2022, Savigny-lès-Beaune rouge représente environ 13 800 hl produits (soit près de 1,85 million de bouteilles - source BIVB)
  • Le rendement moyen officiel se situe autour de 40 à 45 hl/ha pour les rouges
  • Environ 60 domaines vinifient du Savigny rouge, du "petit" vigneron indépendant aux références historiques comme Simon Bize, Chandon de Briailles ou Pierre Guillemot
  • Le prix moyen en cave pour un Savigny-lès-Beaune village (hors Premier Cru) se situait entre 18 et 29 € en 2023, avec des Premiers Crus oscillant entre 26 et 45 € (source La Revue du Vin de France et tarifs sur place)

Ce différentiel de prix avec les villages voisins souvent plus onéreux fait de Savigny-lès-Beaune un terrain de jeu idéal pour dénicher des pépites… à condition de savoir où chercher.

Pourquoi le Savigny-lès-Beaune s’affirme sur la scène bourguignonne ?

Plusieurs facteurs expliquent le nouvel engouement dont bénéficie l'AOC Savigny-lès-Beaune :

  • L’effet "prix-plaisir" : Alors que la Bourgogne fait face à une hausse marquée des prix depuis 2018, Savigny-lès-Beaune demeure accessible, y compris pour de grands noms.
  • Une nouvelle génération de vignerons : Timothée Bize, Hélène Machard de Gramont, François de Nicolay… Pour beaucoup, retour à la vigne, approche bio ou biodynamique (30 domaines sont certifiés Bio en 2022 selon Agence Bio), vinifications moins interventionnistes, recherches d’expressivité et de terroir sont au cœur de leurs démarches.
  • Des terroirs révélés : De nombreux lieux-dits, longtemps éclipsés par des climats plus célèbres, gagnent en notoriété grâce à un travail parcellaire minutieux et une attention accrue à la vinification.

Résultat : des vins plus précis, plus réguliers aussi, et une diversité d’expressions qui rivalise désormais avec d’autres villages phares sans les contraintes de volume ou d’investissement propres à d’autres zones plus cotées.

Les nuances des terroirs : immersion dans les climats de Savigny-lès-Beaune

Il y a Savigny… et Savigny ! D’un versant à l’autre, voire d’un bout de village à l’autre, le Pinot Noir livre des visages contrastés :

  • Les Premiers Crus des “Marconnets”, “Les Lavières” ou “Aux Gravains”, au nord : calcaire, fer et caillouteux, produisent les vins les plus fermes et tendus, d’une réelle élégance dans le temps.
  • Vers le sud et l’est (“Les Peuillets”, “Les Narbantons”…) : argiles plus présentes, vins ronds, très aromatiques, à la sève plus gourmande en jeunesse.
  • Les “Vermots” et le bas de pente : maturité précoce, chaudes, vins charmeurs mais manquant parfois de profondeur dans les millésimes les plus solaires.

Un détail frappant : un climat comme “Les Serpentières”, sur sol caillouteux, peut offrir des vins d’une distinction inattendue après 7 ou 8 ans de bouteille, ce qui explique leur attrait croissant sur les cartes de restaurants gastronomiques ces dernières années (source : Carte 2023 de la RVF).

Vieillissement et évolution des Savigny-lès-Beaune rouges

Le village tenait autrefois la réputation d’un vin à boire jeune, réputation basée sur des modes de vinification plus rapides ou un élevage court. Pourtant, plusieurs dégustations verticales récentes montrent que les rouges issus des meilleurs climats peuvent évoluer magnifiquement une décennie durant, et parfois davantage :

  • Après 2-3 ans : Bouche encore vive, explosion de fruits et de notes florales, tanins soyeux déjà fondus pour les millésimes solaires comme 2018 ou 2020.
  • Entre 5 et 8 ans : Complexité aromatique croissante (épices, cuir fin, sous-bois), structure affirmée notamment sur les Premiers Crus, fraîcheur préservée.
  • Au-delà de 10 ans : Pour les grands millésimes (2010, 2015, 2019…), notes tertiaires, trame minérale et longueur en bouche impressionnante sur les meilleurs terroirs.

C’est d’ailleurs ce vieillissement harmonieux – et parfois sous-coté – qui fait le charme des Savigny bien nés, dont certains rivalisent avec les grands crus de la Côte de Beaune (Simon Bize ou Chandon de Briailles sont régulièrement cités dans les dégustations de la Revue du Vin de France ou de Bourgogne Aujourd’hui).

Conseils pour l'achat et la dégustation d'un Savigny-lès-Beaune rouge

  1. Privilégier le choix du producteur : plus que le classement, le style du domaine (bio, vendange entière, élevage en fûts neufs ou non…) influencera grandement le résultat dans votre verre. Exemples de signatures réputées : Simon Bize, Chandon de Briailles, Pierre Guillemot, Domaine Pavelot, Domaine Tollot-Beaut, Domaine Simon et Frédéric Aladame, Domaine Serrigny, Domaine Denis Rossignol.
  2. Varier les climats : explorer plusieurs lieux-dits, même en village, permet de mieux comprendre la diversité de cette AOC.
  3. Laisser vieillir : sur les grands millésimes (2015, 2019, 2020, 2022), il est judicieux d’attendre 3 à 8 ans pour découvrir toute l’étendue aromatique du vin. Petite astuce : ouvrir le vin 2h avant le service ou le carafer s’il est en jeunesse.
  4. Accords mets-vins : un Savigny-lès-Beaune se plaît autant avec une volaille de Bresse rôtie qu’avec un rôti de veau, une terrine maison ou un plat végétarien à base de champignons et de noix.

À noter : sur les plus jeunes millésimes particulièrement fruités, un léger rafraîchissement à 14-15°C mettra le Pinot Noir en valeur.

Petite sélection de Savigny-lès-Beaune rouges remarqués en 2023/2024

  • Domaine Simon Bize & Fils – Savigny-lès-Beaune 1er Cru “Aux Vergelesses” 2020 : grand équilibre, longueur saline, superbe potentiel. Cité dans le Guide Vert RVF 2024.
  • Domaine Chandon de Briailles – Savigny-lès-Beaune 1er Cru “Les Lavières” 2021 : floral, précis, belle trame minérale, mentionné par Bettane+Desseauve.
  • Domaine Pierre Guillemot – Savigny-lès-Beaune “Serpentières” 2017 : tanins raffinés, fruité classique du climat, rapport plaisir/qualité salué par Bourgogne Aujourd’hui.

Chaque année, des cuvées font également mouche chez des domaines moins connus à l’export mais qui méritent le détour en cave : Domaine Camus-Bruchon, Domaine Tollot-Beaut, Domaine Oudinot…

Future trajectoire : le Savigny-lès-Beaune à suivre de près ?

Longtemps resté dans l’ombre, le Savigny-lès-Beaune rouge rattrape aujourd’hui son retard médiatique et séduit un public toujours plus large — amateurs “historiques” comme néophytes à la recherche de découvertes authentiques. Si la pression sur les prix reste mesurée malgré l’intérêt croissant, c’est le moment de s’y intéresser : la diversité de ses terroirs, la sincérité de ses vignerons et la modernité de son approche font de Savigny un formidable ambassadeur du Pinot Noir bourguignon pour aujourd’hui… et pour demain.

Pour aller plus loin : Cartes détaillées et focus terroirs sur le site du BIVB – Reportages “Sur le terrain” dans La Revue du Vin de France et “Bourgogne Aujourd’hui” (2023/2024).

En savoir plus à ce sujet :

Votre guide des vins de Bourgogne, de la vigne au verre